Questions (25)

QUESTION (25)
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Cet ouragan …
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Mais quel est donc cet ouragan ?

Cet inexplicable et merveilleux élan

Etourdissant jusqu’à l’oubli 

Ne serait-ce pas le Tourbillon de la vie ? 
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*** Idéelle, le 22 avril 2016 ***

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(Peinture : http://www.artemis-artist.com/html/en/oeuvre.3.html )
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8 réflexions sur “Questions (25)

    • A M. DE LAMARTINE

      Te referent fluctus.
      HORACE.

      Naguère une même tourmente,
      Ami, battait nos deux esquifs ;
      Une même vague écumante
      Nous jetait aux mêmes récifs ;
      Les mêmes haines débordées
      Gonflaient sous nos nefs inondées
      Leurs flots toujours multipliés,
      Et, comme un océan qui roule,
      Toutes les têtes de la foule
      Hurlaient à la fois sous nos pieds !

      Qu’allais-je faire en cet orage,
      Moi qui m’échappais du berceau ?
      Moi qui vivais d’un peu d’ombrage
      Et d’un peu d’air, comme l’oiseau ?
      A cette mer qui le repousse
      Pourquoi livrer mon nid de mousse
      Où le jour n’osait pénétrer ?
      Pourquoi donner à la rafale
      Ma belle robe nuptiale
      Comme une voile à déchirer ?

      C’est que, dans mes songes de flamme,
      C’est que, dans mes rêves d’enfant,
      J’avais toujours présents à l’âme
      Ces hommes au front triomphant,
      Qui tourmentés d’une autre terre,
      En ont deviné le mystère
      Avant que rien en soit venu,
      Dont la tête au ciel est tournée,
      Dont l’âme, boussole obstinée,
      Toujours cherche un pôle inconnu.

      Ces Gamas, en qui rien n’efface
      Leur indomptable ambition,
      Savent qu’on n’a vu qu’une face
      De l’immense création.
      Ces Colombs, dans leur main profonde,
      Pèsent la terre et pèsent l’onde
      Comme à la balance du ciel,
      Et, voyant d’en haut toute cause,
      Sentent qu’il manque quelque chose
      A l’équilibre universel.

      Ce contre-poids qui se dérobe,
      Ils le chercheront, ils iront ;
      Ils rendront sa ceinture au globe,
      A l’univers sont double front.
      Ils partent, on plaint leur folie.
      L’onde les emporte ; on oublie
      Le voyage et le voyageur… –
      Tout à coup de la mer profonde
      Ils ressortent avec leur monde,
      Comme avec sa perle un plongeur !

      Voilà quelle était ma pensée.
      Quand sur le flot sombre et grossi
      Je risquai ma nef insensée,
      Moi, je cherchais un monde aussi !
      Mais, à peine loin du rivage,
      J’ai vu sur l’océan sauvage
      Commencer dans un tourbillon
      Cette lutte qui me déchire
      Entre les voiles du navire
      Et les ailes de l’aquilon.

      C’est alors qu’en l’orage sombre
      J’entrevis ton mât glorieux
      Qui, bien avant le mien, dans l’ombre,
      Fatiguait l’autan furieux.
      Alors, la tempête était haute,
      Nous combattîmes côte à côte,
      Tous deux, mois barque, toi vaisseau,
      Comme le frère auprès du frère,
      Comme le nid auprès de l’aire,
      Comme auprès du lit le berceau !

      L’autan criait dans nos antennes,
      Le flot lavait nos ponts mouvants,
      Nos banderoles incertaines
      Frissonnaient au souffle des vents.
      Nous voyions les vagues humides,
      Comme des cavales numides,
      Se dresser, hennir, écumer ;
      L’éclair, rougissant chaque lame,
      Mettait des crinières de flamme
      A tous ces coursiers de la mer.

      Nous, échevelés dans la brume,
      Chantant plus haut dans l’ouragan,
      Nous admirions la vaste écume
      Et la beauté de l’océan.
      Tandis que la foudre sublime
      Planait tout en feu sur l’abîme,
      Nous chantions, hardis matelots,
      La laissant passer sur nos têtes,
      Et, comme l’oiseau des tempêtes,
      Tremper ses ailes dans les flots.

      Echangeant nos signaux fidèles
      Et nous saluant de la voix,
      Pareils à deux soeurs hirondelles,
      Nous voulions, tous deux à la fois,
      Doubler le même promontoire,
      Remporter la même victoire,
      Dépasser le siècle en courroux ;
      Nous tentions le même voyage ;
      Nous voyions surgir dans l’orage
      Le même Adamastor jaloux !

      Bientôt la nuit toujours croissante,
      Ou quelque vent qui t’emportait,
      M’a dérobé ta nef puissante
      Dont l’ombre auprès de moi flottait.
      Seul je suis resté sous la nue.
      Depuis, l’orage continue,
      Le temps est noir, le vent mauvais ;
      L’ombre m’enveloppe et m’isole,
      Et, si je n’avais ma boussole,
      Je ne saurais pas où je vais.

      Dans cette tourmente fatale
      J’ai passé les nuits et les jours,
      J’ai pleuré la terre natale,
      Et mon enfance et mes amours.
      Si j’implorais le flot qui gronde,
      Toutes les cavernes de l’onde
      Se rouvraient jusqu’au fond des mers ;
      Si j’invoquais le ciel, l’orage,
      Avec plus de bruit et de rage,
      Secouait se gerbe d’éclairs.

      Longtemps, laissant le vent bruire,
      Je t’ai cherché, criant ton nom.
      Voici qu’enfin je te vois luire
      A la cime de l’horizon
      Mais ce n’est plus la nef ployée,
      Battue, errante, foudroyée
      Sous tous les caprices des cieux,
      Rêvant d’idéales conquêtes,
      Risquant à travers les tempêtes
      Un voyage mystérieux.

      C’est un navire magnifique
      Bercé par le flot souriant,
      Qui, sur l’océan pacifique,
      Vient du côté de l’orient.
      Toujours en avant de sa voile
      On voit cheminer une étoile
      Qui rayonne à l’oeil ébloui ;
      Jamais on ne le voit éclore
      Sans une étincelante aurore
      Qui se lève derrière lui.

      Le ciel serein, la mer sereine
      L’enveloppent de tous côtés ;
      Par ses mâts et par sa carène
      Il plonge aux deux immensités.
      Le flot s’y brise en étincelles ;
      Ses voiles sont comme des ailes
      Au souffle qui vient les gonfler ;
      Il vogue, il vogue vers la plage,
      Et, comme le cygne qui nage,
      On sent qu’il pourrait s’envoler.

      Le peuple, auquel il se révèle
      Comme une blanche vision,
      Roule, prolonge, et renouvelle
      Une immense acclamation.
      La foule inonde au loin la rive.
      Oh ! dit-elle, il vient, il arrive !
      Elle l’appelle avec des pleurs,
      Et le vent porte au beau navire,
      Comme à Dieu l’encens et la myrrhe,
      L’haleine de la terre en fleurs !

      Oh ! rentre au port, esquif sublime !
      Jette l’ancre loin des frimas !
      Vois cette couronne unanime
      Que la foule attache à tes mâts :
      Oublie et l’onde et l’aventure.
      Et le labeur de la mâture,
      Et le souffle orageux du nord ;
      Triomphe à l’abri des naufrages,
      Et ris-toi de tous les orages
      Qui rongent les chaînes du port !

      Tu reviens de ton Amérique !
      Ton monde est trouvé ! – Sur les flots
      Ce monde, à ton souffle lyrique,
      Comme un oeuf sublime est éclos !
      C’est un univers qui s’éveille !
      Une création pareille
      A celle qui rayonne au jour !
      De nouveaux infinis qui s’ouvrent !
      Un de ces mondes que découvrent
      Ceux qui de l’âme ont fait le tour !

      Tu peux dire à qui doute encore :
      « J’en viens ! j’en ai cueilli ce fruit.
      Votre aurore n’est pas l’aurore,
      Et votre nuit n’est pas la nuit.
      Votre soleil ne vaut pas l’autre.
      Leur jour est plus bleu que le vôtre.
      Dieu montre sa face en leur ciel.
      J’ai vu luire une croix d’étoiles
      Clouée à leurs nocturnes voiles
      Comme un labarum éternel. »

      Tu dirais la verte savane,
      Les hautes herbes des déserts,
      Et les bois dont le zéphyr vanne
      Toutes les graines dans les airs ;
      Les grandes forêts inconnues ;
      Les caps d’où s’envolent les nues
      Comme l’encens des saints trépieds ;
      Les fruits de lait et d’ambroisie,
      Et les mines de poésie
      Dont tu jettes l’or à leurs pieds.

      Et puis encor tu pourrais dire,
      Sans épuiser ton univers,
      Ses monts d’agate et de porphyre,
      Ses fleuves qui noieraient leurs mers ;
      De ce monde, né de la veille,
      Tu peindrais la beauté vermeille,
      Terre vierge et féconde à tous,
      Patrie où rien ne nous repousse ;
      Et ta voix magnifique et douce
      Les ferait tomber à genoux.

      Désormais, à tous tes voyages
      Vers ce monde trouvé par toi,
      En foule ils courront aux rivages
      Comme un peuple autour de son roi.
      Mille acclamations sur l’onde
      Suivront longtemps ta voile blonde
      Brillante en mer comme un fanal,
      Salueront le vent qui t’enlève,
      Puis sommeilleront sur la grève
      Jusqu’à ton retour triomphal.

      Ah ! soit qu’au port ton vaisseau dorme,
      Soit qu’il se livre sans effroi
      Aux baisers de la mer difforme
      Qui hurle béante sous moi,
      De ta sérénité sublime
      Regarde parfois dans l’abîme,
      Avec des yeux de pleurs remplis,
      Ce point noir dans ton ciel limpide,
      Ce tourbillon sombre et rapide
      Qui roule une voile en ses plis.

      C’est mon tourbillon, c’est ma voile !
      C’est l’ouragan qui, furieux,
      A mesure éteint chaque étoile
      Qui se hasarde dans mes cieux !
      C’est la tourmente qui m’emporte !
      C’est la nuée ardente et forte
      Qui se joue avec moi dans l’air,
      Et tournoyant comme une roue,
      Fait étinceler sur ma proue
      Le glaive acéré de l’éclair !

      Alors, d’un coeur tendre et fidèle,
      Ami, souviens-toi de l’ami
      Que toujours poursuit à coups d’aile
      Le vent dans ta voile endormi.
      Songe que du sein de l’orage
      Il t’a vu surgir au rivage
      Dans un triomphe universel,
      Et qu’alors il levait la tête,
      Et qu’il oubliait sa tempête
      Pour chanter l’azur de ton ciel !

      Et si mon invisible monde
      Toujours à l’horizon me fuit,
      Si rien ne germe dans cette onde
      Que je laboure jour et nuit,
      Si mon navire de mystère
      Se brise à cette ingrate terre
      Que cherchent mes yeux obstinés,
      Pleure, ami, mon ombre jalouse !
      Colomb doit plaindre La Pérouse.
      Tous deux étaient prédestinés !

      Le 20 juin 1830.
      Victor Hugo.

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