CE QUI N’A PAS ENCORE DE NOM

.

.
Ce qui n’a pas encore de nom
.

.
Qui que tu sois, écoute : Il est.
.

.

Qu’est-il ?
.

.
Renonce !

L’ombre est la question, le monde est la réponse. 

Il est. C’est le vivant, le vaste épanoui ! 

Ce que contemple au loin le soleil ébloui, 

C’est lui. Les cieux, vous, nous, les étoiles, poussière ! 

Il est l’oeil gouffre, ouvert au fond de la lumière, 

Vu par tous les flambeaux, senti par tous les nids, 

D’où l’univers jaillit en rayons infinis. 

Il regarde, et c’est tout. Voir suffit au sublime. 

Il crée un monde rien qu’en voyant un abîme ; 

Et cet être qui voit, ayant toujours été, 

A toujours tout créé de toute éternité. 

Quand la bouche d’en bas touche à ce nom suprême, 

L’essai de la louange est presque lé blasphème. 

Pas d’explication donc ! Fais mettre à genoux 

Ta pensée, et deviens un regard, comme nous. 

Pourquoi chercher les mots où ne sont plus les choses ? 

Le vil langage humain n’a pas d’apothéoses. 

Ce qu’Il est, est à peine entrevu du tombeau. 

Il échappe aux mots noirs de l’ombre. On aurait beau 

Faire une strophe avec les brises éternelles, 

Et, pour en parfumer et dorer les deux ailes,

Mettre l’astre dans l’une et dans l’autre la fleur, 

Et mêler tout l’azur à leur splendide ampleur, 

On ne peindrait pas Dieu. Songeur, qu’on le revête 

De bruit et d’aquilon, de foudre et de tempête ; 

Qu’on le montre éveillé, qu’on le montre dormant, 

Sa respiration soulevant doucement 

Toutes les profondeurs de toute l’étendue, 

Remuant la comète au fond des cieux perdue, 

Le vent sur son cheval, la mort sur son éclair, 

Et le balancement monstrueux de la mer, 

On ne le peindra pas. Lui ! Lui ! l’inamissible, 

L’éternel, l’incréé, l’imprévu, l’impossible, 

Il est. La taupe fouille et creuse, et l’aperçoit ; 

L’ombre dit à la taupe : es-tu sûre qu’il soit ? 

La taupe répond : Dieu ! Dieu de l’aigle est la proie. 

Suppose que sur terre un seul être en Dieu croie, 

Cet être, si jamais le soleil s’éclipsait, 

Remplacerait l’aurore. Et sais-tu ce que c’est 

Que le fauve ouragan, tonnant et formidable ? 

C’est, dans les profondeurs du gouffre inabordable, 

L’infini murmurant : je l’aime ! à demi-voix ; 

Quand l’étoile rayonne, elle dit : je le vois !

Tout le cri, tout le bruit et tout l’hymne de l’homme 

Avorte à dire Dieu ! Le baiser seul le nomme.
.

.
J’aime ! –
.

.
❤️ Victor Hugo ❤️
.

.

  

10 réflexions sur “CE QUI N’A PAS ENCORE DE NOM

  1. Lire Victor Hugo, c’est toucher l’âme, une profondeur, et mes mots sont bien tout petits à côté des siens. Celui qui n’a pas de nom comme le disait déjà la civilisation Mû pour peu d’en accepter ou la légende, ou la véracité, la question reste posée la concernant. Quoi qu’il en soit, Lumière tu es, Toi dans tout cet amour qui rayonne et que tu envoies pour qui peut ouvrir son cœur et t’y accueillir. Il n’y a qu’à. ❤
    Être disponible à l'écoute dans les mots que j'échange en privé avec Lui. Au milieu de la nature aussi, dans un bus, un train, un avion, qu'importe, Il est en chaque parcelle de l'univers du monde que nous foulons. Dans ce que nous sommes tous.

    Merci pour ce beau poème très bien choisi.

    Aimé par 1 personne

      • Voilà un merci qui tombe tout à fait à propos. Nous sommes dans un jour important de notre histoire judéo-chrétienne. Sans être de la cérémonie religieuse, j’en suis acteur-présent. De l’intérieur de chaque levé de soleil à son couchant. Parce que l’amour est ma quête journalière. L’homme est face à la même question depuis son origine. Certains ont accepté un nom qui leur a été proposé. Je n’ai rien que du respect pour toute conviction profonde, donc je tolère. Pour ma part je pense qu’il faut plusieurs vies pour parvenir à comprendre ce qu’est véritablement l’amour. Aussi ai-je humblement le sentiment d’avoir trouvé. « Passer par dessus » voilà la signification de Pâques, je partage intégralement ce sens dont la Beauté est totale.

        N-L

        J’aime

      • « Passer au dessus »

        A te regarder dans la glace du quotidien, l’image en partie déformée par l’interposition de l’évènement te glisse l’imbroglio de la pensée des autres, ton égo s’éparpillant comme une explosion d’engin explosif en t’associant à tous les rôles. On tue plus facilement qu’on aime. La mort aux trousses le lambda se tourne vers tous les asiles, sans s’arrêter au fait que de tous ceux qui s’offrent sur le marché il est le seul qui puisse devenir sûr, s’il le désire et fait en sorte que. Je suis agnostique, donc n’ai pas besoin du secours d’une église. Il me semble pourtant qu’avant de mettre un nom sur un être suprême, la moindre des choses c’est d’avoir d’abord mis le sien en acte responsable.Mettant sur le tapis mon statut de vivant dans cette participation collective à un vaste enterrement de la piété, je choisis de défendre la foi et la croyance, l’espoir n’étant rien d’autre qu’amour.

        Je passe au dessus.

        J’aime !

        Niala-Loisobleu – 28/03/16

        J’aime

Laisser un commentaire